Visite de l'exposition

Le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris présente la première rétrospective en France consacrée à Gabriele Münter (1877-1962). Cette artiste allemande fait partie des membres éminents de l’expressionnisme allemand. Elle fut cofondatrice du Cavalier bleu (Blaue Reiter en allemand) groupe de l’avant-garde expressionniste formé à Munich en 1911. Gabriele Münter a créé une œuvre très personnelle et foisonnante. Si son nom est souvent associé à celui de Kandinsky qui fut son compagnon durant quatorze années, Gabriele Münter n’a jamais cessé d’expérimenter et de  se renouveler, maitrisant un grand nombre de techniques, photographie, peinture, gravure, dessin, broderie…

Gabriele Münter s’est intéressée en premier lieu à la photographie. La première section de l’exposition intitulée « Kodak Girl » présente les photos qu’elle a réalisées lors de ses voyages aux Etats-Unis (1898-1900) avec sa soeur ainée et en Tunisie (1903-1904) avec Kandinsky. Elle se familiarise avec l’ appareil photo Kodak Bull’s Eye qu’elle a acheté dans une ville du Texas, et prend plaisir à en explorer les différentes possibilités. Elle immortalise des scènes de ville, de campagne et de la vie quotidienne telles que : « Trois femmes en habit du dimanche » Marshall, Texas 19 Juin 1900 ; « Garçonnet avec un pistolet jouet », New York octobre 1900 ; « Fillette dans la rue », Saint-Louis, Missouri  Juillet-Septembre 1900, photographie qui a la particularité de contenir l’ombre de Gabriele Münter dans sa position de photographe ;
Sur l’image « Susie et Sullivan », Marshall, Texas mai-juillet 1900, la verticalité des balais que tiennent les personnages répondent au parallélisme des rambardes de la maison.
« Femme à l’ombrelle sur la rive haute du Mississipi » juillet-septembre 1900 rappelle l’œuvre de Monet « Madame Monet et son fils »… Gabrièle Münter a pris plus de 400 photos !

Les femmes n’étant pas admises à l’époque dans les académies des beaux-arts, Gabriele Münter a fréquenté à partir de 1902 une école alternative à Munich : l’école « La Phalange » (Phalanx en allemand).  Wassily Kandinsky, président de cette école, a été son professeur. Une complicité artistique et intime va naître, ils voyagent au Pays-Bas, en Tunisie, en Italie, en Suisse, à Paris et à Berlin.
A Tunis, Gabriele Münter continue de photographier et peint. Elle immortalisé des scènes pleines de lumière comme ses peintures « Rue dans une ville africaine » et « Ruelle à Tunis », 1905.

La seconde section de l’exposition porte sur son premier séjour à Paris en 1906 et 1907, durant lequel elle exécute près d’un quart de son œuvre gravé. La linogravure « Soirée d’automne à Sèvres », 1907, relève d’une approche graphique avec la représentation d’un alignement d’arbres. La linogravure en couleur sur papier japonais « Aurélie » de 1906 est présentée sur différents support de couleur. Münter a également représenté « Kandinsky », linogravure en couleur sur papier japonais de 1906. Lors de son séjour à Paris, elle s’imprègne des avant-gardes, et notamment du fauvisme, comme en témoignent l’huile sur toile « Vue de la fenêtre à Sèvres » ou l’oeuvre « Tête d’homme »,  toutes deux de 1906.
Cette section présente aussi les broderies de perles  exposées à Paris au Salon d’Automne de 1906. On peut voir le  sac à main : « Deux dames en robe à crinoline se promenant avec un chien » 1905, réalisé d’après une esquisse de Kandinsky ou encore la tenture en tissu de laine représentant des navires sur la Volga.

La troisième section, qui commence à son retour à Munich, présente les peintures des années 1908-1914 qui correspondent à la période dite « expressionniste » de son œuvre, et à son activité au sein de la Nouvelle Association des Artistes de Munich, puis du Cavalier Bleu (Der Blaue Reiter).  Sa peinture se caractérise alors par l’emploi de couleurs vives et de formes simplifiées comme « Portrait d’Olga von Hartmann » 1910, « A l’écoute (portrait de Jawlensky) » 1909, ou encore « Intérieur à Murnau » vers 1910, qui représente l’intérieur de la maison achetée par Gabriele Münter, intense lieu de création pour elle et Vassily Kandinsky.
Pendant cette période, elle réalisa aussi des compositions aux couleurs plus sombres traitant notamment  de motifs inspirés de l’art populaire. L’art vernaculaire ainsi que l’art des enfants, qu’elle reproduisit dans ses peintures, sont présentés dans la quatrième section de l’exposition. On peut voir le dessin original réalisé par l’enfant et l’oeuvre qu’en a tirée l’artiste, comme la « Maison (d’après un dessin d’enfant) de 1914.

La cinquième section de l’exposition montre une nouvelle évolution de son style au cours des années 1920, avec des tableaux aux tonalités plus sobres et où la présence de la figure humaine joue un grand rôle. Parallèlement, le dessin qui, dès ses débuts, fut pour Gabriele Münter une technique de prédilection reprend plus d’importance. Avec seulement quelques lignes, l’artiste révèle les personnages et leur caractère. Une sélection de ces dessins est présentée dans cette section ainsi que des œuvres réalisées lors de son second séjour à Paris en 1929 et 1930. On remarque les figures de femmes telles que « La poétesse (Eleonara Kalkowska) lisant »  vers 1926-1927, encre de chine et gouache blanche ; « L’incomparable ( Sylvia von Harden) » vers 1928, mine graphite sur papier et surtout une femme assise, habillée d’un pantalon blanc et chaussée de ballerines rouges, « Femme dans un fauteuil écrivant», 1929, qui symbolise la femme libre  dans le Paris des années 30.

En 1931, Gabrel Münter s’installe définitivement à Murnau avec son compagnon, l’historien de l’art Johannes Eichner. Les paysages des alentours, le lac, les rues de Murnau, constituent les motifs principaux de ses œuvres.  A partir du milieu des années 30, un trait noir cerne des aplats de couleur sur de nombreuses peintures, que ce soit du portrait, du paysage ou de la nature morte. Parmi les derniers tableaux exposés, « Le lac bleu » peint en 1954, a notre préférence. Les autoportraits qu’elle a peints, « sans détours », à différents âges de sa vie sont aussi des oeuvres attachantes.
N’hésitez pas, allez vite découvrir ou redécouvrir cette artiste libre et originale qui a créé tout au long de sa vie.

Commissariat général
Isabelle Jansen, directrice de la Fondation Gabriele Münter et Johannes Eichner, Munich
Hélène Leroy, conservatrice en chef, responsable des collections, Musée d’Art Moderne de Paris.

Rédaction : Annick C., mai 2025

Gabriele Münter. Peindre sans détours